Je ne pensais pas un jour reposter ici, mais je n'aime pas trop qu'on s'exprime à ma place sur
Breath Of The Wild. Alors si vous permettez, je vais essayer de clarifier le fond ma pensée.
Déjà, on ne passe pas près de 200 heures sur un jeu qu'on n'aime pas.
C'est une banalité , mais c'est important de le rappeler : ce Zelda, je l'ai retourné dans tous les sens car je l'ai
kiffé. Je suis même le premier à défendre cet opus face à des détracteurs à côté de la plaque qui lui reprocheront une bande-son fainéante et une mauvaise gestion de l'usure des équipements de combat. Merci de garder ça en tête pour relativiser les critiques qui vont suivre.
Fondamentalement, BOTW m'a déçu sur 2 gros points. Et je ne considère aucun d'eux comme du chipotage. Si vous voulez du chipotage, je peux parler de l'exploitation inexistante de l'écran du gamepad de la version WiiU, de l'impossibilité d'utiliser des objets de l'inventaire sans faire "pause", du faible nombre d'ennemis différents qui parcourent Hyrule, de la carte qui manque cruellement de grottes et de galeries souterraines, ou du boss final complètement aux fraises.
Mais franchement, tout ça, on s'en fout. C'est bénin.
Les 2 problèmes que j'ai avec BOTW sont des problèmes de fond, qui peuvent se résumer au fait que je n'adhère pas à ses partis pris. Ça se base uniquement sur ma préférence assumée pour les expériences linéaires totalement contrôlées par le game designer, et sur mon désintérêt pour les choix sans conséquence. On part donc sur des arguments très très subjectifs ; je préfère prévenir.
La césure entre donjon et explorationDans la série Zelda, il y a toujours eu une intention de mêler action, énigmes et exploration autour d'un gameplay consistant. Que le joueur soit en train de chasser des cocottes au village du coin, d'affronter un dragon enragé dans une arène, ou de résoudre une énigme au fin fond d'un temple ancien, le jeu devait rester le même. Le gameplay a donc été pensé comme un tout cohérent dans lequel chaque action a plusieurs usages. C'est pour ça qu'on a un bouton d'action contextuel. C'est pour ça que l'épée de Link sert tout autant à pourfendre des ennemis et à activer un switch qu'à tondre le jardin d'un PNJ.
Et bien sûr, le level design était adapté à ça. Il faisait valoir la généricité du gameplay avec des zones qui permettaient de varier les plaisirs. Il n'a bien sûr jamais été question de mettre tous les ennemis dans des repaires de villains, toutes les énigmes dans des temples anciens, et de cacher tous les quarts de coeur dans les villages.
Prenez le village Cocorico de
A Link To The Past, par exemple. On peut se mettre à l'affût des zones secrètes et remarquer une curieuse fissure dans le mur d'une maison, mais on peut aussi, sans transition, se retrouver à combattre des gardes lorsqu'un villageois sonne l'alerte. Et dans
Skyward Sword, c'est autrement plus flagrant : chaque zone propose une diversité de jeu tellement considérable que la frontière entre les donjons et le reste du monde s'en trouve parfois presque effacée.
Ce souci de cohérence et de naturel dans la réunion de phases de combat, d'exploration et de réflexion, ça a clairement participé à mon attrait pour la série. C'est sans doute aussi une des raisons pour lesquelles
Skyward Sword - pourtant mal aimé - m'a tapé dans l'oeil à ce point.
Donc quand je me suis essayé à
Breath Of The Wild et que j'ai vu qu'il était coupé en 2 jeux distincts, ça m'a un peu refroidi. Car oui, malgré les ponts qui peuvent exister pour lier un peu le tout, ce jeu est essentiellement coupé en 2 :
- À la surface d'Hyrule, sans contraintes autres que les limites de son endurance, Link peut librement visiter un territoire immense et y collecter diverses ressources. On est ici sur de l'exploration pure, mêlée à de l'action. À part pour collectionner des noix Korogu ou trouver des coffres au contenu peu intéressant, Link n'aura pratiquement jamais besoin d'utiliser les pouvoirs de sa tablette sheikah.
- Dans un sanctuaire, Link doit utiliser ses pouvoirs et son intelligence pour triompher d'énigmes ou d'adversaires coriaces. On est ici sur de l'énigme mêlée à de l'action, mais dites adieu à toute notion d'exploration. Non seulement l'environnement est étroit et linéaire, ne demandant aucune intelligence spatiale (à moins que nous ne parlions d'une créature divine), mais en plus Link - qu'on sait être un alpiniste chevronné - devient ici mystérieusement incapable de s'accrocher à la moindre plateforme. C'est... un autre jeu, en fait. Purement et simplement.
Alors que la série progressait dans le sens de l'abolition des frontières entre donjons et reste du monde,
Breath Of The Wild fait complètement marche à arrière. Les plaines d'Hyrule n'ont jamais été si peu "donjonesques", et les donjons - ici appelés sanctuaires - n'ont jamais été aussi peu intégrés dans leur environnement. C'est un choix osé, je le respecte en tant que tel, et je suis même content que ce risque ait été pris. Mais en ce qui me concerne, ce n'est pas du tout une formule qui me séduit. La séparation en deux phases distinctes casse tout, de mon point de vue.
Quand je traverse Hyrule, je regrette de jouer un explorateur tellement inarrêtable qu'on ne peut pas vraiment lui imposer une séquence de plateformes aux petis oignons. Et quand je traverse un sanctuaire, à l'inverse, je suis frustré de voir mon personnage ne plus être ce même explorateur inarrêtable, car c'est proprement incohérent.
Cela dit, le "pourquoi" de cette séparation n'est un mystère pour personne. Nintendo voulait un monde ouvert aussi vaste que possible, et immensité ne rime pas avec level design ultra-pointu. Il fallait bien qu'ils coupent la poire en deux.
Mais est-ce que ça valait bien le coup ?
Le monde ouvertJe n'aime pas les mondes ouverts.
Dit autrement : je n'aime pas pouvoir aller où je veux.
J'aime pouvoir
essayer d'aller où je veux, et éventuellement être bloqué par l'environnement. Auquel cas je serais contraint de revenir en arrière et de visiter d'autres lieux à la recherche d'une solution. Mon kiff', il est vraiment là. Il est dans le fait que le monde ne se laisse pas visiter, et qu'il faut le mériter. Il est dans la conquête et non dans l'exploration.
Malheureusement, le monde de
Breath Of The Wild est déjà conquis en grande partie dès l'obtention du paravoile. On peut concrètement et véritablement aller partout. Débloquer toute la carte est d'ailleurs la première chose que j'ai faite dans ma partie. La seule mécanique un peu sympa qui fait office d'obstacle à l'exploration gratuite, c'est le climat. On ne peut pas aller dans les zones trop froides ou trop chaudes sans y être préparé. Malheureusement, dès qu'on a maîtrisé l'art de la cuisine, ça n'est déjà plus un problème. Et pour les rares zones toujours inaccessibles, il suffira d'attendre d'avoir assez d'endurance.
Donc en tant que joueur qui découvre la carte, tout ce que je fais, c'est choisir un ordre des lieux à visiter. Je le choisis en fonction de ce qui m'intrigue le plus, sans vraie connaissance de ce qui m'attend, et donc un peu au pif. Et quel que soit mon choix, il sera valable.
Cette liberté, en soi, je peux comprendre que des joueurs en raffolent. C'est d'ailleurs le cas d'une forte majorité. Mais moi, un choix sans enjeu, ça m'ennuie. Je préfererais davantage qu'il y ait des mauvais choix, des zones bloquées, et des stratégies d'exploration à mettre en place pour les débloquer. Bref, j'aurais préféré un monde à ouvrir plutôt qu'un monde déjà ouvert. Un monde où chaque tentative d'exploration est freinée par un obstacle, mais donne en même temps des clés pour faire tomber d'autres obstacles.
Pour donner un exemple,
The Witness est un assez bon représentant de monde à ouvrir tel que je l'entends. Toutes les zones sont accessibles de base, mais on peut rarement progresser dans une zone A sans avoir auparavant récupéré de précieuses informations dans les zones B et C. Dans ce Zelda, un équivalent serait de devoir construire une embarcation pour atteindre l'île A avec du matériel et un savoir-faire récupérés respectivement dans des zones B et C.
Finalement, tout ça revient à souhaiter que l'exploration de
Breath Of The Wild propose davantage de linéarité. C'est l'inverse de ce que Nintendo voulait faire, j'en suis bien conscient, et les joueurs leur donnent raison.
Mais honnêtement, les gars, il faudra m'expliquer ce que vous trouvez de si grisant à choisir d'explorer le volcan avant la jungle plutôt que l'inverse, sachant qu'aucun enjeu ne vient donner un quelconque intérêt à cette décision. Parce que si les game designers n'avaient pas eu pour contrainte de vous laisser cette liberté, ils auraient pu rythmer l'exploration avec presque autant de contrôle que dans un sanctuaire et vous proposer une expérience de fou.
"There is, through the art of game design, some kind of observation about that universe that is not accessible in the same way from other media. If I can get that, then I don't even care about the game mechanic. If I can do that in a first-person shooter that looks exactly like Doom 3 then I would do it."