Depuis quelques semaines à Brest même (non, le même n'a rien à faire là, mais tout le monde dit ça ici - "t'habites où ? A Brest même ?"), il y a un véritable engouement pour un livre écrit par un p'tit gars de Lesneven, donc pas de Brest même, livre intitulé
- bretonnismes.jpg (14.9 Kio) Vu 19044 fois
Voici une liste des quelques perles que l'on peut trouver dans ce livre.
Je n'ai gardé que les expressions que personnellement j'utilise très facilement. Comme quoi, on s'imagine pas toujours que c'est pas forcément français, ce qu'on dit dans la vie de tous les jours
« Jean est autour de ses vaches. ». Bien sûr il ne s`est pas enroulé autour d`une bête à cornes mais il s`en occupe tout simplement. C`est la traduction littérale de : Yann a zo war-dro e saout. Le verbe être (conjugué en zo) et modifié par une préposition (ici : war-dro, autour) offre toute une palette de possibilités en breton, mais la traduction mot à mot réserve bien des surprises.
« Celui-ci est arrivé grand maintenant. » Comprendre : il a grandi ces derniers temps, dit-on en voyant un enfant, par exemple. Traduction littérale de hemañ zo erruet bras bremañ. En breton, le verbe arriver (errruet) a aussi le sens de devenir.
« La moitié plus. » En breton An hanter muioc'h. Ce qui correspond à : deux fois plus. En partant du chiffre dix par exemple, La moitié plus fera vingt pour un breton alors qu'un français obtiendra quinze. Par contre La moitié moins donnera le même résultat en breton et en français. Le breton est parfois malicieux.
« Il est venu chez nous au milieu de tout. » Ce qui signifie : il est arrivé inopinément, sans crier gare, subitement c'est-à-dire sans nous prévenir ou s'annoncer pendant que nous étions occuper à nos affaires. C'est la traduction littérale de A greizh holl, transposée en français local avec son sens breton au milieu de tout. Le verbe venir (donet) peut avoir, suivant le cas, le sens de devenir, partir ou arriver.
« Attention de tomber ! » C'est exactement l'inverse de ce que l'on veut exprimer Attention de ne pas tomber. Traduction du breton diwall da gouezhan ou taol evezh da gouezhan. Diwall et taol evezh exprimant déjà attention de ne pas il n'a pas semblé, sans doute, utile, d'ajouter la négation au français local.
« Comment que c'est ? » Ou mieux encore, Comment que c'est avec toi ? Expression courante pour demander Comment ça va ? au sens large. Il faut remarquer que ce type d'expression est aussi employée par des personnes qui n'ont jamais parlé ou entendu un mot de breton.
« Celui-là va attraper son pegement avec moi ! » Ici , il y a plusieurs bretonnismes qui s'associent. Intéressons-nous à pegement, qui signifie combien en breton. Attraper (recevoir) son pegement, c'est en quelque sorte dire à quelqu'un combien je vais t'attraper, je vais te remettre en place, te remonter les bretelles. Je me souviens que mon père utilisait souvent cette expression qu'il avait souvent entendu dans son enfance. L'héritage.
« J'ai mis mon nom pour partir en voyage. » C'est la traduction littérale de Lakaet em eus va ant evut mont da veajiñ. Type de phrase que l'on entend encore très souvent même dans la bouche de personnes ne connaissant pas un mot de breton. Le français dira : je me suis inscrit pour partir en voyage, moins poétique...
« N'oubliez pas de tirer vos chaussures ! » Traduction du verbe breton tennañ qui s'utilise dans un sens plus large qu'en français académique. Ici pour dire : enlever, ôter. Mais tirer peut aussi signifier prendre ou encore arracher. On tire bien les patates chez nous !
« Y'a eu du reuz ! » Voilà un mot que l'on glisse volontiers dans les conversations, par malice ou connivence. Il y a eu du reuz : du bruit, de l'agitation. Reuz ou encore freuz (tumulte, destruction) pourrait d'ailleurs remplacer avantageuseument le terme anglais buzz. Le français s'est construit à partir des langues régionales, pourquoi ne pas y puiser encore pour l'enrichir.
« Tos-tos. » Un joli mot breton pour dire : auto-tamponneuses. Ce dernier était sans doute jugé trop long. On lui a donc préféré un dérivé du verbe breton tosañ qui signifie : choquer, heurter. Ce verbe a par ailleurs été francisé en tosser, signifiant la même chose mais employé dans le domaine maritime uniquement : le bateau a tossé le quai.
« On a eu du goût ! » Ce n'est pas du tout dans le sens français de goût, mais une traduction de plijadur a zo bet. Traduction mot à mot : Du plaisir on a eu. A comprendre ici dans le sens de On s'est bien amusé, on ne s'est pas ennuyé. Autre exemple d'emploi similaire : Celui-là c'est un drôle ne veut pas dire comique comme en français mais : bizarre, étrange, un peu dérangé. C'est le sens breton de drol.
« Une fois le temps. » Traduction littérale de ur wech an amzer pour dire de temps en temps, de temps à autre. Plusieurs locutions courantes viennent ainsi du breton. En voici quelques autres : tant que tant (tant et tant, tant et plus), avoir plein son ventre (avoir le ventre plein), en haut de tout (tout en haut), t'es plus avancé maintenant (à quoi bon, ça ne valait pas la peine).
« Tu as un crayon avec toi ? » Traduction littérale de Ur c'hrelon a zo ganit ? C'est précis mais incorrect en français. La langue bretonne fait la différence entre possession absolue et possession momentanée. On peut posséder un crayon mais ne pas le détenir sur soi au moment où l'on vous le réclame.
« Causer il fait, mais travailler il ne fait pas ! » Encore un bel exemple de la souplesse de la syntaxe du breton. C'est la traduction exacte de : Kaozeal a ra, met labourat ne ra ket !.La phrase commence par un infinitif associé à l'auxiliaire ober (faire) conjugué ici en a ra pour mettre l'action en relief. Cette façon de procéder donne des phrases étonnantes et amusantes.
« Mets-lui un coup donc ! » Ne craignez rien, on ne va pas vous frapper. C'est simplement la traduction littérale de Laka ur banne dezhañ, ta ! signifiant : sers lui donc un verre ! A la différence du français, le breton oppose ce qui est liquide, banne traduit par << coup >> à ce qui est solide, tamm, soit un bout ou un morceau. Si l'on vous propose un coup de fort, ur banne hini kreñv, il s'agira d'alambic ou d'alcool fort.
« Celle-là, c'est une pikez ! » Pikez, nom breton de la pie-grèche, et au figuré : chipie, coquine, commère, qui adore lancer des piques ou des coups de becs acérés comme celui de la pie. Bizarrement, ce mot n'a pas d'équivalent masculin. Plusieurs mots bretons, courts en général, ont ainsi été conservés dans notre parler local et c'est heureux car il faudrait parfois une phrase complète pour traduire avec exactitude toutes leurs nuances. Ils sont irremplaçables.
« Attraper » En Bretagne bretonnante, c'est spontus (terrible) tout ce que l'on peut attraper. Mais parfois on ne peut pas attraper partout (on ne peut pas tout faire !). Au lieu de prendre, on attrape froid, un rhume, chaud, une suée... Un enfant peut même attraper avec son père : se faire gronder. On peut aussi attraper le train à Landerneau... Ou pire un accident ! Traductions exactes du verbe pakañ ou de son synonyme tapout.
« Pour maintenant, il doit être arrivé ! » Calque du breton, a-benn bremañ pour dire << à présent >>. Au futur, on dira : Pour alors (d'ici là), il sera arrivé, traduction de a-benn neuze. D'autres exemples d'emploi de prépositions ou adverbes. << Il fait froid de retour ! >> (de nouveau), traduction de en-dro qui a les deux sens en breton. << Je suis venu ici encore ! >>, à la place de << déjà >> c'hoazh a aussi les deux sens. << Il n'est pas venu ici, toujours ! >> pour << en tout cas, assurément >>, traduction de bepred qui s'utilise aussi dans les deux sens.
« Qu'est-ce que tu auras ? » Traduction mot à mot de Petra po ? Plus souvent transformé en << Qu'est-ce que tu prendras ? >>. En breton, on emploie le futur, appelé futur proche, pour exprimer une invitation, une incitation, un souhait ou une envie. Là ou un francophone utilise le présent et dit << Qu'est-ce que tu prends ? >>. Autre version, plus familière : << Qu'est-ce qui ira avec toi ? >> issue d'une autre formulation typiquement bretonne, petra az aio ganit ?.
« Il est parti avec le cancer » Phrase parue récemment dans la rubrique nécrologie d'un quotidien régional. On devrait toutefois s'en réjouir car en première lecture, nous voilà débarrassés enfin de ce terrible fléau. Mais, hélas ce n'est pas le malade qui a été emporté par le cancer, c'est le cancer qui l'a emporté. Cette traduction correspond mot à mot à la formulation bretonne.
« Celui-ci n'est pas bien ! » Il faut comprendre : il est un peu dérangé. En français local, on emploie souvent celui-ci ou celle-là à la place de lui, il ou elle. Copie conforme du breton où le pronom démonstratif, plus précis, joue souvent le rôle de pronom personnel. On peut s'adresser ainsi, de façon familière, directement à quelqu'un à la troisième personne, en gardant même parfois en prime le pronom personnel. << Celui-ci, il a grandi ! >>
« Ruser ses pieds » Ce n'est pas du tout le sens du français << ruser >>, mais du verbe breton rusañ, francisé et signifiant tout à la fois : traîner ou glisser en faisant du bruit. Ce n'est donc pas surprenant que l'on ait francisé rusañ, plus concis et expressif. Il faut aussi noter l'usage du pronom possessif calqué sur le breton. Plusieurs générations d'écoliers bretonnants se sont fait taper sur les doigts pour ne pas avoir utilisé l'article défini (ici : les) de règle en français dans un tel cas.
« Il n'y a plus rien de toi ! » Voilà une phrase mystérieuse pour un nouvel arrivant en Basse-Bretagne. C'est la traduction mot à mot de n'ez eus netra ken ouzhit pouvant se traduire par : tu as maigri, fondu ! Plusieurs phrases complètes, transposées du breton sont ainsi passées dans notre parler courant. Ainsi, par exemple : << Le lait est venu au feu >> soit : le lait a bouilli, la casserole a débordé. Ou << Tout est parti avec lui >>, il a tout emporté, tout mangé (Aet eo tout gantañ). Ou encore, << Les fleurs sont parties avec le gel >>, elles ont gelé.
« J'ai mis ma veste en pendant » Elle est donc accrochée, en suspens, suspendue. C'est une traduction directe de a-istribilh. Cet adverbe breton a aussi trouvé une autre vie en français local sous la forme de en distribill pour signifier : en désordre, inachevé, resté en panne. On dit aussi que quelqu'un est en distribill quand il marche tou a-dreuz (de travers, de guingois) ou encore qu'il part en pilhoù (chiffons, loques), donc qu'il est mal fagoté, qu'il va en déconfiture.