caro a écrit:je me disais que la littérature était l'art le plus malmené en fait. Tout le monde lit finalement, même ceux qui disent ne jamais lire, ne serait-ce que par internet. On lit tout le temps, sans même y faire attention. Et la littérature est à ce point dévaluée que dès que quelqu'un lit, peu importe ce qu'il lit, on le félicite. Alors j'imagine un instant le parallèle avec la musique, et il me semble qu'on en est pas encore là. Les critiques demeurent plus vives et rarement on se contente d'un "bof, il/elle écoute de la musique, c'est déjà bien."
Je comprends, mais j'ai du mal à voir les choses comme ça.
Déjà, pour évacuer un premier point qui me laisse perplexe : "lire", si ça signifie passer son temps à faire tourner des conneries criblées de fautes sur Facebook, ou se rencarder sur le programme TV, alors oui, tout le monde lit. Mais tout le monde n'approche pas des objets de littérature, passées les obligations scolaires. Et là, j'ai pas mal d'exemples en tête. Des gens pour qui l'idée même d'ouvrir un bouquin provoque des rires gras, et des "Nan mais vazy, t'as cru j'étais qui ?"
Et pour ma part, je réfute l'idée selon laquelle Internet comble le manque. Chez certains, je pense même qu'il a même tendance à l'accroître, parce que même les lectures obligatoires aujourd'hui, on peut se les épargner via Google et Wikipédia. J'aimerais pas être prof', putain.
Je connais même des gens qui ne connaissent ni Marc Levy ni Guillaume Musso, mais qui évidemment connaissent Christophe Maé.
Et je ne parle même pas du taux d'illettrisme, qui est simplement environ 10 fois plus élevé que celui que j'imaginais.
Donc je ne sais pas si "lire", au sens passer des heures à s'enfiler des pages sans image, c'est "déjà bien", mais je maintiens en tout cas que tout le monde ne le fait pas. D'ailleurs, une discussion "littérature", pas forcément sur un forum mais ne serait-ce qu'au détour d'un blablatage spontané, déjà c'est infiniment plus rare, mais ça en laisserait surtout beaucoup muets. Et on vous dirait : "Bof, moi je ne lis rien".
La même discussion sur la musique, tout le monde pourra vous répondre. Qui en effet vous dira "Bof, moi j'écoute rien" ? Avec même le grand classique "J'écoute de tout, j'suis pas difficile" (comprendre : "Si c'est pas comme à la radio, j'vais trouver ça chelou, quand même"). Mais ça c'est rien : le 113 a reçu une victoire de la musique, les Beatles ont servi à faire vendre des téléphones portables, Portishead des produits laitiers, ou Schubert du jambon Madrange. Les radio sont des usines à caler des morceaux consensuels entre deux pages publicitaires, et sans arrêt, partout et tout le temps, la musique envahit l'espace public sans exigence aucune : au supermarché, chez le coiffeur ou à la télévision. Et sur ce dernier point, autant on prend des gens légitimes et un tant soit peu crédibles pour critiquer le bouquin de Laurence Boccolini (Eric Naulleau ou Zemmour), autant quand il faut recevoir Lady Gaga, 50 Cents ou Cali, n'importe quel crétin fera l'affaire. Quid du fait qu'il doit exister des chroniqueurs ou des critiques compétents en la matière, on s'en branle, il ne s'agit "que" de musique. Caro évoquait le craquage de Hondelatte récemment chez Ruquier, en me disant qu'il n'était nul besoin d'être spécialiste pour le critiquer. Certes, mais vous l'avez entendue, Polony ? "Bon la musique c'est intéressant, mais vos paroles mon Dieu... Pourquoi vous ne les avez pas faites écrire par quelqu'un d'autre ?" Du Zemmour quoi : j'y connais strictement rien, donc je vais parler du texte pour passer le temps.
Alors je sais pas, moi j'ai vu pas mal d'émissions de divertissement où un échange intéressant s'instituait entre un écrivain et un animateur. En revanche, je me souviens avoir entendu Christine Bravo - oui, je dis bien Christine Bravo - démolir le premier album d'Arcade Fire d'un laconique "ça me fait chier", pour dans la seconde d'après chanter les louanges de Natasha St-Pier.
Et j'ai pas fini... Pendant que les lives sur Canal, qui pendant longtemps ont plus que sauvé les meubles, meurent à petit feu - le niveau baisse inexorablement - se sont développées les émission de Real TV telles que "La Nouvelle Tare" ou la "Tare ac". Des émissions dont on a dit "Bon alors OK, Loft Story c'était de la merde, mais là c'est pour aider des gens de talent". Et que de talent ! On se fait la liste des génies de la musique qui ont massacré Nirvana dans des reprises à se pendre ? Non, hein.
On continue de se servir de la musique comme d'un alibi cheap pour vendre du purin à la télé. Elle est tellement vulgarisée que plus personne n'y prête attention, et je n'arrive pas à trouver Art plus récupéré par la société de consommation que celui-ci.
Et autant Marc Levy, en dépit de son succès suscite la polémique jusque sur sa page Wiki, autant "tout le monde" est persuadé que Yannick Noah fait vraiment du Reggae.
Mais tout ça est très culturel. En France on aime le verbe, nous sommes le pays des grands auteurs que le monde nous envie... Mais la musique, ça doit être un truc pour les anglo-saxons, faut croire.