Rock en Seine 2014Peut-être plus encore que l'an dernier, la programmation de cette édition 2014 me laissait un poil sur ma faim. Les têtes d'affiche - QOTSA ou Arctic Monkeys - sont bien là mais font presque figure d'anti-sèche. Même The Prodigy, ils étaient finalement déjà de l'édition 2009. Il serait toutefois malhonnête de ne pas souligner l'ambition et l'éclectisme confirmés du festival Francilien, qui n'en finit plus de grossir. Et comme chaque année, on ressort de ces 3 jours de show rassasiés et globalement convaincus.Day One
"Qu'il est chiant ce taf... Et puis j'ai une crampe au bras gauche, là. Va falloir que je me ménage jusqu'à la fin du show".Annoncés sur le scène secondaire dite "de la cascade", les très attendus (en tout cas par moi, et quelques autres j'imagine)
Cage The Elephant ont finalement les honneurs de la grand scène. Et ce n'est que justice. Sauf que les programmes distribués ne font pas mention de cette modification et, avancé à 15h30 en ce vendredi inaugural, le show "patator" du groupe se fera devant une audience encore largement clairsemée. Dommage. D'autant plus que la prestation est en tous points réjouissante : énergique, joliment équilibrée et même assez drôle. Sans passer pour des clowns, Cage The Elephant donne l'impression de jouer une sorte de grunge décomplexé aux accents positifs et explosifs. Et c'est presque quand le public est (enfin) au taquet que cet étonnant quintette est prié de raccrocher les instruments. Un début de festival enthousiasmant mais frustrant.
On tente ensuite
White Beasts, ce qui, avec le recul, m'apparaît aujourd'hui comme un mauvais choix pourtant évident : de la pop à synthétiseurs qui n'est pas franchement ma came, et que les ignares dans mon genre rapprochent forcément de Depeche Mode, sans même être très client de ces derniers. A mes oreilles, ça s'écoute, mais sans passion.
Jake Bugg, j'ai pas tenu longtemps : complètement allergique à ce chant nasillard qui n'avait même pas l'avantage de l'originalité. Mais en toute honnêteté, je me suis trop vite découragé pour prétendre avoir vraiment essayé.
Première "curiosité" de la journée pour ce qui me concerne :
Blondie, ou ce qu'il en reste. Sans méchanceté aucune, et même avec un immense respect pour une artiste qui, quoi qu'on en dise, est encore bankable en 2014 dans de gros festoches Rock - jolie trajectoire et grande carrière - j'ai trouvé ça un peu poussif. il y a effectivement ces titres que tout le monde connaît, mais qui résonnent sans énergie, sans voix, et de loin, on se croirait un peu à un karaoké de luxe. Malgré tout, c'était sympathique, même si j'avais parfois l'impression d’applaudir une sympathique vieille dame cachée derrière ses lunettes de soleil.
La suite, c'est carrément autre chose : les tarés de
The Hives font beaucoup de bruit sur le main stage. Et le problème, c'est qu'ils auraient bien voulu que le public en fasse de même. Sauf que - et ce sera une constante sur ces trois jours - l'audience est un peu sur la retenue. Le groupe, lui, dégage plus d'énergie qu'une centrale nucléaire et emporte presque obligatoirement l'adhésion. Les titres imparables faits pour la scène s'enchaînent et se déchaînent, et très vite, on est conquis. Seul souci : ce genre de prestation ne marche à fond que lorsque la folie se sent des deux côtés de la scène. Et quand Howlin passe son temps à nous engueuler parce qu'on ne saute pas partout, on se dit que derrière les talentueux amuseurs de festival que sont The Hives, les morceaux ne se suffisent pas toujours à eux-mêmes. Ça n'en fait pas moins un des meilleurs concerts de cette édition 2014, mais ça rappelle les limites d'une musique qui ne mise guère que sur l'énergie. Je prends de l'avance pour défendre la prestation - critiquée - des
Arctic Monkeys, à suivre sur cette même scène. Indéniablement, tout n'a pas été parfait : j'ai trouvé le setlist déséquilibré, comme à chaque fois que je les ai vus. Les morceaux qui dépotent sont balancés les uns à la suite des autres dans une première moitié convaincante, mais sans vraie respiration, avant de ne plus jouer que du mid-tempo et quelques balades joliment interprétées, mais mal calées. Par ailleurs, certains titres sont trop ralentis - "Don't Sit Down 'cause i've Moved Your Chair" notamment - au point de donner l'impression de se traîner. Mais Turner n'est pas un showman qui force le spectacle : c'est avant tout un mec qui écrit de grandes chansons, de celles - aussi - qui s'écoutent. Et là, rien à dire : c'est techniquement parfait, le son est impressionnant et chaque titre - pris isolément - fait mouche. Alors oui, c'était un brin mécanique et on a senti le groupe en roue libre. Mais on ne va pas voir les Monkeys pour danser pendant 1h15 : ça fait quand même longtemps qu'ils ont d'autres cordes à leur arc, et c'est à mon avis pour ça qu'il ont survécu - assez brillamment - à leur buzz. Un bon live à mon goût, malgré d'insistants bémols, et une belle façon de clore une première journée finalement très sympa'.
Le fail du jour : je rate bêtement les trois quarts de la prestation de
Royal Blood, un duo riffy basse/chant/batterie que j'avais découvert quelques jours plus tôt, et dont je n'avais pas vu qu'ils étaient de la fête. Dommage, pour le peu que j'en ai entendu, ça avait l'air très solide.
Day Two
"Ça faisait longtemps que je ne m'étais pas autant éclatée, bordel !"La journée faible. Il en faut toujours une. Je mise tout sur Portishead pour ce samedi et tâche de patienter d'ici-là. Je commence par
Thee Oh Sees et j'avoue ne pas comprendre tout le bien que je lis à droite à gauche de leur set : son horrible, pas aidé par une sorte de flanger outrancier sur une guitare dégueulasse, et un chant pas vraiment chanté, dégueulasse lui aussi. Certains vous diront que c'est du "Rock Garage" et que je n'y comprends rien. Possible, peut-être faut-il au préalable s'acclimater à leur musique en s'enquillant quelques albums, mais moi j'en suis ressorti avec l'envie de passer à la pharmacie pour me faire une cure d'Efferalgan. On enchaîne avec
The Ghost Of a Saber Tooth Tiger et son frontman au look improbable, sorte de John Lennon de carnaval. Malgré une entrée en matière un peu crispante, et un effet un peu 'too much' sur la voix, je me laisse petit à petit séduire. Des compo' sixties mélodiquement très intéressantes et accrocheuses, dopées aux soli de guitare emphatiques mais charmants. Une belle surprise. J'étais très curieux ensuite de jeter une oreille à la prestation d'
Emilie Simon, accompagnée de l'orchestre national d'Île de France. C'est traversé de moments mignons, mais ça ne marche qu'à moitié. Sûrement le cadre n'aide-t-il pas, mais d'une certaine façon, j'applaudis le courage qu'il faut pour chanter "Mon amour, je voudrais te dessiner dans le désert de mon cœur", entre Thee Oh Sees et Flume. Un peu plan-plan quand même, malgré la bonne volonté affichée, et les moyens déployés.
Portishead donc, nous y voilà. Un show viscéral, parfois aux frontières du glauque, mais absolument immersif. Il m'a quand même fallu me libérer d'une partie du public plus occupée à discuter qu'à se laisser porter, pour prendre la mesure de la performance. Captivé que j’étais, et ne connaissant pourtant qu'une poignée de morceaux, ça m'a paru très court. Trop court pour un groupe qui a besoin de temps. Un très beau moment malgré tout, porté par une Beth Gibbons qui, comme vous vous en doutez, s'est montrée joviale et déconneuse, nous narrant notamment la blague du chat qui pète, juste avant "Glory Box". Content d'ailleurs de constater que le groupe ne semble pas avoir pris le morceau en grippe, chose qui arrive parfois quand la plupart des gens vous limitent à un morceau, aussi magnifique soit-il. A noter quand même, quelques problèmes de son les rares fois ou Beth Gibbons a vraiment poussé sa voix. Impressionnant malgré tout.
Pour finir,
The Prodigy. Là encore, je ne connais que 4 ou 5 morceaux à tout casser. Ça m'aura moins marqué même s'il y a eu deux ou trois temps forts - façon de parler, c'était globalement à fond tout le temps - et même si voir le public s'exciter enfin un peu fait toujours son petit effet. Un moment cool mais pas inoubliable pour autant à mes yeux, d'autant que le show est finalement assez linéaire.
Day Three
"Hey ! Je peux jouer sans ouvrir les yeux et sur un pied, facile... Ah merde"La journée forte. Je me suis composé un programme de folie et suis excité comme jamais au moment d'entamer cette dernière journée. On entame avec
Blood Red Shoes, duo mixte que j'avais déjà vu en 2008 sur cette même scène, en première partie des RATM. L'efficacité et l'énergie sont toujours là, le son affûté et le set calibré sans temps mort. Belle entrée en matière, portée par des titres incisifs et riffy, quelque part entre le Punk et le Grunge. Mention "Wahou" au batteur, qui gère simultanément des rythmiques endiablées ainsi que quelques parties vocales pour le moins tendues. Au point de demander à reprendre son souffle - avec le sourire - entre certains morceaux particulièrement exigeants.
On file ensuite à toute vitesse vers la scène de la cascade pour ne rien manquer du set de
Cloud Nothings, dont le premier album avait largement retenu mon attention. Même si leur vacarme tendance Grunge/Garage est un poil moins enchanteur sur scène - la faute, encore, à des balances critiquables - le groupe parvient à faire émerger les émotions de ces chansons furieuses et braillées. A noter un final bruitiste riche en larsens et hurlements, coupé soudainement par un très drôle "Goodbye, we're Cloud Nothings". OK, merci les gars.
On tente ensuite
Warpaint, groupe (en ce moment) 100 % féminin. Sorte de trip-hop mélodieux et relaxant, leur musique aura constitué une parfaite respiration après les deux premières décharges électrique de la journée. Troisième satisfaction consécutive.
Autre rendez-vous important du jour :
Thurston Moore, programmé - ô joie - sur la scène un peu plus confidentielle et reculée du festival. J'ai passé un bon moment, le talent et le jeu de guitare si spécifique du bonhomme n'étant plus à démontrer, mais il faut admettre que l'on a souvent l'impression - légitime - d'être face à une sorte de Sonic Youth de remplacement. Au mieux, on se dit parfois que tel ou tel plan ferait une bonne chanson pour ces derniers, mais l'ensemble manque paradoxalement de... personnalité.
Rendez-vous moins important mais empli de curiosité :
Lana Del Rey. Je ne suis pas de ceux qui ont accroché à ses tubes, même si je trouve "Videogame" sympa'. Elle chante mieux que ce que j'imaginais, dans un style "minaudant" qui agace autant qu'il lui donne une patte personnelle. Je ne sais pas jusqu'à quel point elle surjoue ce personnage nonchalant qui se traîne tout sourire sur scène, qui fait des selfies avec les fans en pleurs du premier rang, mais ça m'a amusé. Pas suffisamment cela dit pour tenir tout le concert, que je finirai par lâcher sans regret à la moitié tant, quand même, ce n'est pas franchement ce genre de "show" que j'attends du Rock en Seine. J'ajoute d'ailleurs que les fans portent des
t-shirts à son effigie absolument terrifiants de mauvais goût. M'enfin, il faut que jeunesse se fasse, je suppose.
Fini de rire, c'est le moment de laisser entrer les
Queens Of The Stone Age sur la grande scène. Malheureusement, et étonnamment, ce n'est pas plein : je vois plusieurs gros trous sur la pelouse et je peux personnellement en témoigner : j'ai eu de la place. Rien à voir avec la foule qu'avaient attirée System of A Down ou Phoenix l'année précédente, qui m'avait laissé moins de liberté dans mes mouvements. On va le dire comme ça.
Apparemment, le son a été de qualité disparate selon sa position devant la scène. Pour ma part, c'était quasi-parfait et j'ai été très surpris des retours négatifs que d'autres ont exprimé. L'ambiance n'est donc pas tout à fait optimum et c'est dommage. Qu'importe, le groupe y met le cœur et l'énergie habituelle pendant une collection de titres -
17, très exactement - habilement choisis. Hormis l'enchaînement "Kalopsia"/"If I Had a Tail" - c'est d'ailleurs surtout la seconde qui me semble peu à sa place - je n'imaginais pas vraiment de meilleur compromis pour un show d'1h30. Chose assez incroyable, j'ai relevé quelques pains - dont un très net durant "I sat by The Ocean", dont j'ai eu l'impression qu'ils l'avaient jouée un demi-ton plus haut que d'habitude - et ça m'aura presque rassuré : même eux sont capables de se planter. Cela dit, c'est évidemment anecdotique sur l'ensemble du set, mené avec une maestria toujours aussi impressionnante. Pas de vraie surprise pour quiconque les connaît bien, même si je me suis fait cueillir par un passage (volontairement ?) a capella durant le magnifique "The Vampyre Of Time And Memory". Le groupe en terminera évidemment avec une version gigantissime de "A Song For The Dead", que Theodore gère à mon sens mieux que Castillo derrière les fûts.
Une belle façon pour QOTSA d'en finir avec sa tournée cette année, et pour le festival de clore les festivités.
Maintenant, chers amis du RES, si vous voulez des idées pour la prog' l'année prochaine, je suis opé.