par caro » Jeu 18 Avr 2013 18:34
C'est intéressant ce truc de la loi du père à la loi des frères...
J'observe en effet qu'aujourd'hui cette initiation à la vie (à l'envie !) se fait de moins en moins par les pères, plus largement les adultes qui pensent surtout à moraliser, faire la leçon et recarder qu'à accompagner vers l'épanouissement, que par les pairs qui permettent une initiation, y compris dans la déviance et/ou la délinquance. Mais quelle alternative propose-t-on, nous adultes ? On a tous une responsabilité envers les jeunes dès lors qu'on est adultes. Ce sont les enfants qu'on a crée qui existent aujourd'hui. Comment les voit-on, ou plutôt comment les stigmatise-t-on ?
On pense plus aujourd'hui aux façons de punir et exclure qu'aux façons d'accompagner. C'est vraiment comme ça que je perçois mon travail et que j'essaye de l'accomplir : l'accompagnement, l'émancipation, l'envie...un parcours initiatique que j'ai moi-même vécu à travaers ma formation et que je cherche à transmettre. Une manière de penser l'autre, oui. L'autre, pas si étranger que ça quand on y regarde de plus près. Parfois inquiétant, mais qui comme tous les humains est en quête de liens, et de liens inconditionnels et inconditionnés.
On passe des bouts de temps avec eux, on partage de la convivialité, on les emmène faire un bowling, ouais, on fait du théâtre avec eux, on les emmène parfois à McDo ou on fait une soirée crêpes au service, un barbecue. On les emmène faire de l'accrobranche, des séjours...Puis on déambule dans la rue et on discute de tout et de rien. Ouais, ça fait "payés à rien foutre". Mais tout ça, ce ne sont que des prétextes pour être en lien et aborder au bout d'un moment (rencontrer prend du temps, n'en déplaise aux décideurs et financeurs et managers !) les sujets importants, se laisser défier et provoquer et tenir bon, parce que c'est ce qu'ils cherchent : des adultes qui tiennent bon malgré tout et ne les abandonnent pas dans leur merde.
Aujourd'hui, j'ai aidé une famille à faire un courrier à l'inspection académique parce que leur fils de 13 ans est en plein décrochage scolaire et que la dite inspection leur a envoyé un courrier les menaçant de supprimer les allocs et de leur faire payer une amende pouvant aller jusqu'à 750 euros !
Du coup, j'ai ajouté aussi un courrier au nom de l'équipe, pour expliquer qu'avant d'(être un potentiel délinquant fainéant, ce gosse est en souffrance et ne trouve aucune solution pour s'en sortir. J'ai tourné une phrase nuancée dans le paquet, hjistoire de dire que c'est pas parce qu'il y aura sanctions financières que ce gamin retournera au collège. Le problème est bien plus complexe ! Mais voilà comment on les traites, ces jeunes. Du coup, ça crée des tensions dans la famille et ça ne fait qu'empirer les choses pour le jeune.
Alors ça me fait marrer tous ces connards "anti mariage pour tous" qui parlent du droit des enfants et de leurs bien être alors qu'ils ont sûrement été les premiers à applaudir ce genre de mesures insensées et RIDICULEMENT coercitives juste pour montrer les muscles et dire qui c'est qui commande.
Je ne parlerais pas des gosses de 11 ans déjà exclus d'un collège et qui changent d'établissement et emmènent dans leur sac à dos leur mal être, ni de ceux qui passent en cellule de veille (dispositif municipal visant à stigmatiser, euh pardon, aider les perturbateurs où en gros on se retrouve autour d'une table avec des élus, la police et les principaux et CPE des collèges).
Le "père" en psychanalyse n'est pas le père fouettard, ni même le géniteur, il n'est même pas forcément de sexe masculin, c'est celui qui donne accès à la parole, à la loi symbolique qui nous permet de vivre ensemble par l'initiation aux limites imposées par la vie en collectivité. C'est un père qui étaye, soutient, cadre et sécurise. Pas un connard à matraque adepte du châtiment.
Pour être autonome, il faut avoir été relié. Là ce que je vois, c'est de la politique d'exclusion où les uns et les autres on se renvoie les patates trop chaudes sans jamais traiter le problème de fond.
Sans vouloir nous lancer des fleurs (il y a des cons partout, y compris dans le social, et j'en ai rencontré un paquet), je trouve qu'on est un peu le dernier bastion d'une autre manière de penser l'autre, étayée par de la théorie et de la pratique. Et des valeurs, souvent marquées idéologiquement, mais et alors ? Tant que c'est en faveur de l'autre et pas pour le pouvoir sur lui ?
Et ce jeunes, exclus par des adultes, ils trouvent dans leurs potes de quartiers une autre forme d'initiation qui est loin d'être un parcours de santé en cela qu'elle contient aussi du dogme, du conformisme de bas étage, de la religion qui se durcit et est mal interprétée, ils se replient sur eux mêmes jusqu'à opérer un "retournement du stigmate" en surjouant leur rôle de caïds de bas d'immeuble, en inventant un langage marqué territorialement, parce que avant tout ça leur donne une consistance, une identité et un groupe d'appartenance. Mais sont-ils ceux à blâmer réellement ?
Après, c'est dur à rattraper au vol ces bêtes là ! Ne serait-ce que pour qu'ils arrêtent de ponctuer toutes leurs phrases par "wesh" dans un sketch ou un rôle au théâtre. "Vas y chuis une princesse, ouaich !" "quoi ? t'es la Princesse Ouaich, c'est ça ?"^^
Ils sont et restent des gosses, avant tout. Et ces p'tits cons, ils sont bien attachants vous savez.
"Former les hommes, ce n’est pas remplir un vase, c’est allumer un feu." Aristophane.