Circus PoliticusJ'en parlais quelques posts ci-dessus, "Circus Politicus" dresse l'état des lieux - largement délabré - d'une démocratie qui ne mérite (évidemment) plus d'être qualifiée comme telle. La plupart des gens estime pourtant qu'à partir du moment où nous ne sommes pas sous le joug d'un Hitler-like, et qu'il nous est possible d'acheter un Iphone tous les 2 ans, nous vivons tant bien que mal en démocratie. En plus, l'UE a reçu le prix Nobel de la paix, alors tu penses bien... Non, le problème, ça doit être nos avatars politiques, beaucoup de citoyens se contentant finalement de rejouer avec docilité la sempiternelle partition médiatique, basée sur l'idée simple (mais fausse) qu'il existe autant de façon de gouverner qu'il y a de partis dotés pour ce faire d'un "programme". Il faut croire que c'est un rapport de forces, aussi factice soit-il, qui arrange un paquet de monde. Et qui occupe les électeurs, pendant qu'on les prend tous plus ou moins pour des cons (d'où mon aversion de plus en plus marquée pour le militantisme encarté. Mais je m'égards).
Or, la vérité que cherche à révéler et développer ce bouquin, se résumerait à dire qu'il y a, bien au-dessus des querelles de partis mises en scène dans les journaux, de grands axes déjà tout tracés. A Bruxelles pour nombre d'entre eux, là où se trouvent les vrais lobbyistes, mais rarement les journalistes.
Je suis d'ailleurs toujours étonné de voir à quel point, malgré les alternances sans alternative (le gouvernement Hollande serait donc "de gauche" parce qu'il a fâché tout rouge Monsieur Depardieu
), les gens s'entêtent à considérer qu'il s'agit fondamentalement de pointer une forme d'incompétence du personnel politique en place. Comme s'il n'existait rien de plus fondamental à l'échelle des phénomènes conjoncturels considérés que leurs petites mesures. Alors "Circus Politicus" ne dévoile pas à grands fracas un "plan" ou autres "complots" - termes dégainés avec mépris pour discréditer dans la seconde toute tentative de critique structurelle de la politique institutionnelle - mais démontre, au fil d'une enquête de terrain, qu'il existe une marge gigantesque entre ce qu'on dit être le pouvoir, et la façon dont il s'exerce réellement.
Le livre a plusieurs avantages :
- Il regorge d'exemples passés sous silence. On y apprend ce que sont nombre d'organismes obscurs laissés aux mains de technocrates inconnus, pour des conséquences sur nos vies que nous ne soupçonnons pas toujours.
- Il explique clairement ce que sont le Bilderberg et la Trilatérale, c'est à dire des cercles d'influence confisqués par une élite autoproclamée, sans décrire pour autant un fantasme complotiste du calibre de ce qu'on a pu lire sur certains sites d'illuminés.
- Il redonne enfin du crédit à un discours pointant une dilution du pouvoir, par l'exemplification constante.
- Il cite entre autres les "notes Antici" émanant du Conseil Européen, lesquelles révèlent notamment que le duo Merkel-Sarkozy - consacrés "tauliers" de l'Europe quand la crise Grecque a foutu la panique - s'est fait excessivement discret pendant les débats. Leur pseudo-influence lors du "sauvetage" de l'Europe n'est donc que pure manipulation médiatique, avec un miroir déformant appelé "conférence de presse".
Cependant, le livre a aussi ses défauts. Le plus criant d'entre tous, c'est son manque de "liant" : il donne l'impression d'enchaîner les anecdotes, et c'est au lecteur de faire les liens, voire de tirer ses propres conclusions. Non seulement ce n'est pas toujours limpide, mais, peut-être aussi par souci d'objectivité, ça ne rend que plus difficile de s'attacher à un récit. Ca manque donc d'un fil conducteur thématique plus appuyé et construit, et on a envie de décrocher plusieurs fois devant le côté un peu froid et décousu de l'ensemble.
Mais ça reste un essai d'envergure - le premier - sur un sujet important, qu'on finira bien un jour par prendre au sérieux.